01 Fév N’ayons pas peur d’Uber.
Uber me donne mal au crâne. J’aimais la gouaille des chauffeurs de taxi et leur mentalité d’artisans indépendants aux recettes souvent frugales. Et voilà qu’on me tient le même discours sur les VTC !
Alors, mes repères vacillent et j’ai le vertige : les vieux empires, les grands groupes traditionnels – dont les aventures m’ont tenu en haleine jusqu’ici -, sont-ils en train de disparaître au profit d’un nouvel ordre dont les maîtres ne vaudront peut-être pas mieux que les précédents ?
Sous l’angle de l’offre, l’Ubérisation est une mutation classique.
Les smart-phones et les GPS proposent une alternative aux pratiques de la station et du radio-taxi. De même que les Centres Leclerc ont créé jadis une alternative périurbaine au commerce de détail des centres villes. Aux possesseurs de voiture, Leclerc offrait abondance et variété, quasi à prix-coûtant. Aux possesseurs de smartphone, les VTC offrent géolocalisation, télépaiement et notation des chauffeurs, à prix cassé. L’évolution du marché fait partie de la vie.
Sic transit gloria mundi. D’ailleurs, le commerce de centre ville a muté, de l’exploitation des clients captifs à une offre de services différenciée. N’enterrons pas les taxis et les hôtels. Ils s’adapteront.
Un remake électronique des révolutions politiques du XXème siècle ?
Pas de nouveauté radicale non plus sur modèle économique bon marché de cette nouvelle économie. Air B&B ou Uber révèlent et exploitent des capacités de production marginales : comme les lunettiers ou les horlogers du XIXème siècle récoltaient les pièces fabriquées dans les fermes du Jura. Les prix de référence sont bas parce qu’ils ne servent qu’à arrondir les fins de mois…
… et peuvent ensuite contribuer à la prolétarisation de ceux dont c’est l’activité unique.
Là non plus, la France, toujours aussi paradoxale, ne change pas ! Les mêmes prennent des VTC, utilisent Air B&B et défilent pour défendre le CDI et lutter contre la « précarisation ».
Et l’Etat, comme il l’a fait avec les grandes surfaces il y a 50 ans, encourage ces germes de dérégulation spontanée – même s’ils se situent aux marges des vrais domaines de rigidité -, tout en continuant à accabler le modèle traditionnel de règles byzantines (les taxis restent surveillés par des policiers en civil, les « Boers »…) en aggravant l’écart de compétitivité : prix des taxis fixés par l’Etat, hôtels condamnés à la mise aux normes ,etc..
Venons-en aux 4 facteurs nouveaux – mais fragiles – qui permettent ces évolutions :
- la connexion est continue : de nouveaux avatars, mêlant identification, localisation, accès au réseau créent une nouvelle façon d’être au monde et de communiquer ;
- le traitement instantané d’informations multiples devient de ce fait possible
- les communautés virtuelles créent de la donnée et du contrôle social : créateurs de valeur et plus efficaces pour le maintien de la qualité et du savoir vivre que la surveillance du service des mines des inspecteurs Michelin ou de la police
- ces nouveaux usages peuvent chahuter le registre légal dont dépendent certains services. Les VTC sont hélés par les ondes et non sur le trottoir : ce ne sont donc pas des taxis. En fait un radio-taxi n’était pas un taxi mais nous ne l’avions pas vu.
Alors, face à ces nouveaux possibles, que les vieux Empires se posent une question : de quoi ai-je toujours rêvé, pour moi et pour mes clients, qui supprimerait 80% de mes ennuis et de mes coûts quitte à changer d’identité, quitte à renoncer à des rentes de circonstance ?
En d’autres termes, la qualification juridique ou technique de mes services est-elle adaptée ? A quel moment une victoire sur les rigidités traditionnelles m’amènera-t-elle à lutter à fronts renversés ? Et quelle serait alors ma valeur ajoutée réelle dans un système différent ? Bref quel est mon vrai cœur de métier producteur de vraie valeur, même enfoui et assoupi du fait d’un environnement plus ou moins artificiel ? Et comment l’exhumer, le réveiller ?
Mariez « e-modernité » et belle ouvrage dépoussiérée. La première s’acquiert plus vite que la seconde. Mais attention, vous n’avez pas le choix !
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